La révolte des vignerons de 1907 dans l’Aude est un épisode marquant de l’histoire viticole française. Ce mouvement de protestation, né d’une grave crise économique, a profondément marqué la région et reste ancré dans la mémoire collective du Languedoc.
Les origines de la révolte des vignerons
Une crise viticole sans précédent
Au début du XXe siècle, le Languedoc fait face à une crise viticole majeure. Plusieurs facteurs contribuent à cette situation difficile :
– La surproduction de vin, due à la reconstitution rapide du vignoble après la crise du phylloxéra.
– La concurrence des vins d’Algérie, qui inondent le marché français.
– La pratique de la chaptalisation, qui permet d’augmenter artificiellement le degré d’alcool des vins du Nord, concurrençant ainsi les vins du Midi.
Ces éléments combinés entraînent une chute drastique des prix du vin, plongeant les viticulteurs dans une situation économique désastreuse.
La naissance d’un mouvement de protestation
Face à cette crise, les vignerons du Languedoc commencent à s’organiser. Le 11 mars 1907, un groupe de 87 vignerons du Minervois, mené par Marcelin Albert, marche sur Narbonne. Cette manifestation marque le début de la révolte des vignerons.
L’escalade de la révolte des vignerons
Des manifestations massives
Le mouvement prend rapidement de l’ampleur. Chaque dimanche, des rassemblements de plus en plus importants sont organisés :
– 15 000 personnes à Capestang le 21 avril
– 200 000 à Perpignan
– 250 000 à Carcassonne
– 300 000 à Nîmes
Ces manifestations pacifiques culminent le 9 juin 1907 avec un rassemblement gigantesque à Montpellier.
La radicalisation du mouvement
Parallèlement aux manifestations, le mouvement se radicalise :
– Les conseils municipaux démissionnent collectivement dans les départements touchés.
– Certains appellent à la grève de l’impôt.
– Des perceptions, préfectures et sous-préfectures sont attaquées par des viticulteurs en colère.
La répression et ses conséquences
L’intervention du gouvernement Clemenceau
Face à l’ampleur du mouvement, le gouvernement de Georges Clemenceau décide d’intervenir. Le 17 juin 1907, plus de 30 000 soldats sont envoyés dans le Languedoc pour rétablir l’ordre.
Les journées sanglantes de Narbonne
La tension atteint son paroxysme les 19 et 20 juin à Narbonne. Des affrontements violents entre manifestants et forces de l’ordre font cinq morts, dont une jeune femme de 20 ans, Cécile Bourrel. Ces événements tragiques marquent profondément les esprits.
La mutinerie du 17e régiment d’infanterie
Le 21 juin à Béziers, un événement inattendu se produit : le 17e régiment d’infanterie, composé en grande partie de soldats originaires de la région, refuse de tirer sur la foule et fraternise avec les manifestants. Cette mutinerie, bien que rapidement réprimée, devient un symbole fort de la révolte des vignerons.
Les conséquences de la révolte des vignerons
Des avancées législatives
La révolte des vignerons de 1907 aboutit à des avancées concrètes. Le 23 juin, une loi est votée pour lutter contre la chaptalisation abusive. D’autres mesures suivront pour réguler le marché du vin et lutter contre la fraude.
Un impact durable sur la viticulture régionale
Cette révolte a profondément marqué l’identité viticole du Languedoc. Elle a contribué à renforcer la solidarité entre vignerons et à faire émerger une conscience collective forte autour de la défense du vin.
L’héritage de la révolte des vignerons
Une mémoire toujours vivace
Plus d’un siècle après les événements, la révolte des vignerons de 1907 reste très présente dans la mémoire collective du Languedoc. Des commémorations sont régulièrement organisées pour rappeler cet épisode historique.
Un modèle pour les luttes viticoles futures
La révolte de 1907 a servi de modèle pour d’autres mouvements de protestation dans le monde viticole. On peut notamment citer les événements de Montredon en 1976, où des affrontements entre vignerons et forces de l’ordre ont fait deux morts.
Conclusion
La révolte des vignerons de 1907 dans l’Aude est un événement majeur de l’histoire viticole française. Elle illustre la capacité de mobilisation des vignerons face à une crise économique profonde. Si elle s’est soldée par des événements tragiques, elle a aussi permis des avancées significatives pour la profession viticole. Aujourd’hui encore, elle reste un symbole fort de la lutte des vignerons pour la défense de leur métier et de leur terroir.
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